Page:Chatelain - Beautés de la poésie anglaise, tome 1, 1860.djvu/86

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Notre couple averti s’approche de la table,
Étonné, mais trouvant le diner… attaquable ;
Et d’attaquer des mets succulents et nombreux
Que n’eut pas dédaigné Jupin le roi des Dieux.
« Tatigué ! que c’est bon ! quels morceaux, Tu-Dieu ! femme
Cette aile de poulet, tâtes-en, sur mon âme !
C’est parfait ; et puis tiens ce filet de chevreuil
Est digne, crois le bien du plus aimable accueil,
Il est si savoureux, arrosé de groseille,
J’ai rarement dîné, je le dis, c’est merveille
Aussi bien qu’aujourd’hui ;—mais goûte à ce pâté
La croûte en est exquise. »—Et chacun a parte
Au splendide diner de rendre ample justice,
Et cela de bon cœur avec un grand délice.

Cependant sur le front de la dame on voyait
Certain je ne sais quoi de vague et d’inquiet :
« Que peut donc contenir ce plat ? Eh ! eh ! » dit-elle,
« Qu’on le cache à nos yeux avec autant de zèle ?
Cela doit être, sûr, quelque morceau de roi
Que ce grigou de vieux se réserve à part soi
Pour le plus grand bonheur de sa laide mâchoire,
Il me faut d’un coup d’œil éclairer ce grimoire ;
Parmi ces mets choisis, n’est-il pas dur, dis-moi,
De ne pouvoir toucher à ce seul plat ? Ma foi !
Arrive que pourra, nul œil ne nous regarde,
À le découvrir, moi, tant pis, je me hazarde. »
Le couvercle est levé :—que sort-il du logis ?
Et fringante et ravie… une jeune souris.

Voilà que soudain s’ouvre un steeple chace ;
Autour de la table on chasse on déchasse ;
Et bref la souris guignant un matou
À bien vitement regagné son trou,
Pendant que Frédéric ayant poussé la porte
Dans la chambrette entra sans bruit et sans escorte.
Attérée, et tremblante et de honte et de peur,
La coupable eut voulu fuir le regard frondeur