Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/186

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Il descend du château plus d’une personne
pour contempler ce vaisseau et Constance,
mais bref, du château, certaine nuit,
le seigneur sénéchal — à qui Dieu donne male chance ! —
un voleur qui avait renié notre foi,
vint seul au vaisseau et lui dit qu’il serait
son amant, qu’elle le voulût ou non.

En quelle détresse fut alors cette malheureuse femme !
Son enfant cria et elle poussa des cris douloureux,
mais la bienheureuse Marie l’aida tout aussitôt,
920car tandis qu’elle se débattait bien et fort
le larron tout soudain tomba par-dessus bord,
et se noya dans la mer, atteint par la vengeance,
et c’est ainsi que le Christ garda Constance sans tache.


L’auteur.


Ô infâme passion de la luxure, vois là ta fin !
non seulement tu fais défaillir l’esprit de l’homme,
mais en vérité tu détruis son corps.
La fin de ton œuvre ou de tes désirs aveugles
c’est la lamentation ; combien l’on peut trouver
930de gens qui non pour l’acte parfois, mais pour l’intention
de faire ce péché sont ou tués ou détruits !

Comment[1] cette faible femme put-elle avoir la force
de se défendre contre ce renégat ?
Ô Goliath, de taille démesurée,
comment David put-il te faire mat ainsi,
lui si jeune et si dépourvu d’armure ?
Comment osa-t-il regarder ton visage terrible ?
L’on peut bien voir que ce fut par la seule grâce de Dieu.

Qui donna à Judith le courage ou la hardiesse
940de le tuer, lui Holopherne, dans sa tente,
et de délivrer de la misère
le peuple de Dieu ? Je dis cela à cet effet,
que tout comme Dieu envoya un esprit de force
à ceux-là et les sauva de male fortune
ainsi envoya-t-il force et vigueur à Constance.


  1. Vers 932-945. Insertion faite par Chaucer pour faire pendant à l’apostrophe des vers 470-504.