qu’il s’agisse de papes, d’empereurs, ou de rois,
selon leurs époques, comme on les trouve écrites,
mais les dis d’aucunes avant, d’aucunes après,
comme cela me revient en mémoire,
tenez-moi excusé de mon ignorance.
Je vais pleurer en manière de tragédie
le malheur de ceux qui se trouvaient en haut état
et tombèrent de telle sorte qu’il n’y eut remède
pour les sortir de leur adversité ;
assurément quand il plaît à la fortune de fuir
il n’est homme qui puisse arrêter sa course ;
nul ne se doit fier à la prospérité aveugle ;
que ces exemples vrais et anciens vous soient un avertissement.
Par Lucifer, bien que ce fût un ange
et non un homme, par lui je vais commencer ;
car, bien que la fortune ne puisse atteindre un ange,
de haut état il tomba pourtant par son péché
en enfer où il est encore.
Ô Lucifer ! le plus brillant de tous les anges,
tu es maintenant Satanas, qui ne te peux départir
de la misère où tu es tombé.
Voici Adam, dans les champs de Damas[2],
du doigt même de Dieu il fut façonné
et non engendré de la semence impure de l’homme,
et il était maître de tout le Paradis, fors un arbre.
- ↑ Ce conte est sur le modèle du De Casibus Virorum Illustrium de Boccace. On verra dans les notes que Chaucer tantôt reproduit Boccace, tantôt prend ses tragédies au Roman de la Rose, à Boèce, à Dante, à la Bible.
- ↑ Le De Casibus Virorum de Boccace commence par le chapitre « De Adam et Eva », où se trouve le passage suivant : « Et ex agro, qui postea Damascinus, …… ductus in Paradisum deliciarum ». Damas avait été souvent considéré comme le lieu de la création d’Adam.