Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/234

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ou on lui fit tourner la meule d’un moulin.
Ô noble Samson, toi le plus fort des hommes,
toi jadis juge dans la gloire et la richesse,
maintenant tu peux bien pleurer de tes yeux aveugles,
puisque de prospérité tu es tombé en misère.

La fin de ce malheureux fut telle que je vais dire ;
3270 ses ennemis célébrèrent une fête un jour,
et le firent comme leur bouffon jouer devant eux,
et c’était dans un temple magnifique.
Mais finalement il causa un terrible désarroi ;
car il ébranla deux piliers, et les renversa,
et le temple entier s’abattit, et resta là par terre,
et il se tua lui-même, ainsi que tous ses ennemis.

C’est dire que tous les princes sans exception,
et avec eux trois mille hommes furent tués là
par la chute du grand temple de pierre.
3280 De Samson à présent je ne parlerai pas davantage.
Apprenez par cet exemple ancien et simple
qu’à leurs femmes les hommes ne doivent dire de leurs desseins
rien de ce qu’ils voudraient tenir secret,
s’il y va de leur corps ou de leur vie.


Hercules[1].

D’Hercule le conquérant souverain
les œuvres chantent la gloire et la haute renommée ;
car en son temps il fut la fleur de la force.
Il tua et dépouilla de sa peau le lion ;
des centaures il mit l’orgueil à bas ;
3290 il tua les Harpies, ces cruels oiseaux redoutables ;
il enleva les pommes d’or au dragon ;
il chassa Cerberus, le chien de l’enfer.

Il tua le cruel tyran Busirus[2],
et le fit manger, chair et os, par son cheval ;

  1. Pour ce récit Chaucer s’est moins inspiré de Boccace qui dit peu de choses d’Hercule, que d’Ovide (Métamorphoses, IX) et surtout de Boèce, De cons. Phil., liv. IV. 7.
  2. Chaucer confond ici deux travaux d’Hercule, l’un contre Busirus qui mettait à mort tous les étrangers, l’autre contre Diomède qui nourrissait ses chevaux de chair humaine.