Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/249

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le grand orgueil, et les œuvres détestables ?
Car il n’y en eut pas d’autre tel que lui.
Lisez ce qu’il était en Machabée[1],
3770 et lisez les paroles orgueilleuses qu’il prononça,
et pourquoi il tomba de haute prospérité,
et comment sur une colline il mourut misérablement.

La fortune l’avait exalté en orgueil tellement
qu’il pensait vraiment pouvoir atteindre
aux étoiles, de tous les côtés[2],
et dans une balance peser chaque montagne,
et arrêter tous les flots de la mer.
Et pour le peuple de Dieu surtout il avait de la haine,
il voulait le faire périr dans les tourments et la douleur,
3780 pensant que Dieu ne pourrait abattre son orgueil.

Et parce que Nicanor et Thimothée
furent grièvement vaincus par les Juifs,
aux Juifs il voua telle haine
qu’il fit préparer son char sans retard,
et jura, et dit, avec grand dédain,
qu’il serait bientôt à Jérusalem,
pour passer son courroux sur elle très cruellement ;
mais il dut bientôt renoncer à son dessein.

Dieu pour sa menace le frappa si grièvement
3790 d’un mal invisible, à jamais incurable,
qui tellement lui déchirait et rongeait les entrailles,
que ses douleurs étaient insupportables.
Et assurément, cette vengeance était raisonnable,
car il tortura les entrailles de bien des hommes ;
mais de son maudit et damnable dessein
malgré sa souffrance il ne voulut pas s’abstenir ;

mais donna l’ordre d’équiper son armée sur-le-champ,
et tout soudain, avant qu’il s’en doutât,
Dieu abattit son orgueil et sa jactance.
3800 Car il tomba si rudement de son char
qu’il en eut les membres et la peau déchirés,
aussi ne put-il plus marcher ni chevaucher,

  1. C’est-à-dire au Livre des Machabées.
  2. C’est-à-dire régner sur la terre, jusqu’à tous les bouts de l’horizon.