Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/267

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écoutez ces joyeux oiseaux, comme ils chantent,
et voyez les fraîches fleurs, comme elles croissent ;
mon cœur est plein de gaieté et soulas. »
Mais soudain lui advint lamentable cas ;
car toujours l’autre bout de la joie est douleur.
Dieu sait que joie en ce monde ne dure ;
et un rhéteur, qui bien sait composer,
dans une chronique sûrement de ce pourrait écrire
comme de fait souverainement notable.
4400Or tout homme sage, qu’il prête l’oreille ;
cette histoire est aussi vraie, je l’avère,
qu’est le livre de Lancelot du Lac,
que femmes tiennent en si grand révérence.
Or vais-je donc revenir a mon propos.
    Un rusé renard, plein de perfide iniquité,
qui dans le bocage vivait depuis trois ans,
ayant préconçu son coup en imagination,
cette même nuit à travers la haie pénétra
dans la cour, où le beau Chanteclair
4410soulait s’aller promener avec ses femmes ;
et dans un carré de légumes il se tint coi,
jusqu’à passé le milieu du jour,
attendant le moment de tomber sur Chanteclair,
comme font volontiers tous ces homicides
qui se tiennent aux aguets pour meurtrir les gens.
O faux meurtrier, qui te tapis en ta cachette t
Nouvel Iscariote, nouveau Ganelon !
Faux dissimulateur, ô Grec Sinon,
qui conduisis Troie à si entière perte !
4420O Chanteclair, maudit soit le matin
où de ton perchoir as volé dedans cette cour !
Tu étais bien averti par ton songe
que ce jour était périlleux pour toi.
Mais ce que Dieu a prévu nécessairement arrive,
d’après l’opinion de certains clercs.
Celui me soit témoin qui est clerc parfait,
qu’il y a en l’École grande altercation
sur cette matière, et grande dispute,
et a été, entre cent milliers d’hommes.
4430Mais je ne saurais passer la chose au blutoir,