et tenant dans sa main un grand miroir de verre ;
au pouce il avait bague d’or
et à son flanc une épée nue pendait ;
et le voilà qui pousse son cheval vers le haut bout de la table.
Dans toute la salle personne ne soufflait mot
dans l’émerveillement de ce chevalier ; et pour le contempler
le suivent attentivement du regard jeunes et vieux.
Cet étrange chevalier qui arrivait ainsi soudain,
tout armé, sauf le chef, moult richement,
salue le roi, la reine, et tous les seigneurs,
selon le rang qu’ils occupaient dans la salle,
avec si grand respect et obéissance
aussi bien dans son discours que dans son maintien,
que Gauvain[1], avec sa vieille courtoisie,
s’il était revenu du pays des fées,
n’eût pu en rien le surpasser.
Et après ceci, devant la haute table,
il dit d’une voix mâle son message,
selon la forme usitée en son langage,
sans une faute de syllabe ou de lettre ;
et, pour que son récit parût meilleur,
avec ses paroles il accordait son visage,
ainsi que l’art du discours l’enseigne à ceux qui l’étudient ;
bien que je ne puisse imiter sa manière,
ni ne puisse franchir aussi haute barrière[2],
je redirai cependant en clair langage
ce à quoi revient tout son discours,
si toutefois je l’ai bien en mémoire.
Il dit : « Le roi d’Arabie et de l’Inde,
mon seigneur lige, en ce jour solennel,
vous salue du mieux qu’il est en son pouvoir,
et, en l’honneur de votre fête, vous envoie
par moi, qui suis tout à votre commandement,
ce coursier d’airain qui aisément et bien
peut, en l’espace d’un jour naturel[3],
c’est-à-dire en vingt et quatre heures,
Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/442
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.