Car, en vérité, depuis la queue jusqu’au bout de l’oreille,
la nature ni l’art n’auraient pu amender
la plus petite chose : c’était l’avis de tous.
Mais ce qui les faisait toujours s’émerveiller le plus,
c’était comment il pouvait marcher, étant d’airain ;
il était du pays des fées, supposait-on ;
divers étant les gens, divers étaient les avis ;
autant de têtes il y a, autant d’opinions.
Ils bourdonnaient comme fait un essaim d’abeilles,
et donnaient des raisons selon leur imagination,
répétant les vieilles poésies,
et disaient qu’il était comme Pégase.
ce cheval qui avait des ailes pour voler ;
ou encore c’était le cheval du grec Sinon
qui amena la destruction de Troie,
ainsi qu’on le peut lire dans les vieilles gestes.
« Mon cœur (disait l’un) est tout en émoi ;
je crois qu’il y a là-dedans des hommes d’arme,
qui ont fait dessein de prendre cette ville.
11 serait bon de tirer tout cela au clair. »
Un autre parlait tout bas à son compagnon,
disant : « Il ment, ce semble être plutôt
une apparence produite par quelque tour de magie
comme en les grandes fêtes les jongleurs en pratiquent. »
Sur diverses suppositions ainsi ils bavardent et dissertent,
selon la coutume des ignorants qui jugent
de choses fabriquées trop ingénieusement
pour qu’en leur ignorance ils les puissent comprendre ;
ils opinent volontiers pour le mal.
Et quelques-uns se demandaient à propos du miroir
qui avait été porté dans la maîtresse tour,
comment on y pouvait voir de telles choses.
Un autre répliquait que ce pouvait bien être produit
naturellement, par des combinaisons
d’angles, et d’adroites réflections,
et l’on disait qu’à Rome[1] en était un pareil.
Ils parlaient d’Allozen[2] et de Vitello[3]
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