Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/460

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Conte du Franklin[1].


Prologue du Conte du Franklin.


« Ces vieux gentils Bretons, en leur temps,
710 de diverses aventures faisaient des lais
rimés en leur première langue bretonne.
Ces lais, ils les chantaient avec leurs instruments,
ou bien ils les lisaient pour leur plaisir.
Et j’ai l’un d’eux en ma mémoire
Je vais le dire bien volontiers, comme je sais.
Mais, messires, parce que je suis un homme illettré,
en commençant je vous supplie d’abord
de m’excuser pour mon langage rude.
Je n’ai jamais appris la rhétorique, sûrement :
720 la chose que je dis ne peut qu’être nue et simple.
Je ne dormis jamais sur le mont du Parnasse,
ni n’appris Marcus Tullius Ciceron.
De couleurs, je n’en connais aucune, n’en doutez point,
excepté ces couleurs qui poussent dans la prairie,
ou bien celles que les hommes teignent ou peignent.
Les couleurs de rhétorique me sont trop étranges ;
mon esprit ne sent rien de telles affaires,
mais, si vous voulez, vous allez entendre mon conte. »



Le Conte du Franklin.


Ici commence le conte du Franklin[2]


Dans l’Armorique, qui est appelée Bretagne,
730 il y avait un chevalier qui aimait et qui se mettait en peine
de servir une dame, du mieux qu’il savait ;

  1. Franklin, c’est-à-dire petit propriétaire de campagne.
  2. Ce conte a une origine orientale (L’histoire de Mandanasena). Skeat suppose