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CONTE DU CHEVALIER.

et aux dames il rendit
les ossements de leurs maris mis à mort,
pour leur faire des funérailles, selon la coutume de ce temps.
Mais il serait trop long de dire
les grands cris et les lamentations
que firent entendre les dames quand furent brûlés
les corps, et les grands honneurs
que Thésée, le noble conquérant,
rendit aux dames, quand elles le quittèrent,
1000car faire un court récit est mon intention.

    Donc quand le noble duc, Thésée,
eut tué Créon, et ainsi conquis Thèbes,
il se reposa toute la nuit sur le champ de bataille,
puis traita tout le pays à sa discrétion.

    Fouillant dans les monceaux de cadavres
pour les dépouiller de leurs armes et de leurs vêtements,
les pillards s’affairaient diligemment,
après la bataille et la défaite.
Or il arriva que dans ce monceau ils trouvèrent,
1010transpercés de mainte cruelle et sanglante blessure,
deux jeunes chevaliers gisant côte à côte,
tous deux avec de mêmes armures, richement ornées,
dont l’un avait nom Arcite
et l’autre chevalier s’appelait Palamon.
Ils n’étaient ni tout à fait vivants, ni tout à fait morts ;
mais à leurs cottes d’armes, et à leurs armures,
les hérauts les reconnurent tout particulièrement,
comme étant du sang royal
de Thèbes, et les fils de deux sœurs.
1020Du tas des morts les pillards les ont retirés,
et les ont doucement portés à la tente
de Thésée, qui aussitôt les envoya
à Athènes, pour y vivre en prison
perpétuellement ; car il ne voulut pas de rançon.
Et quand le noble duc eut ainsi fait,
il réunit son armée, et revint aussitôt dans ses états
couronné de lauriers comme sied à un vainqueur ;
et il vit là, dans la joie et la gloire