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CHARLES GUÉRIN.

Voici la lettre d’Émilie.

« Ma chère Amie,

« Ta n’as point répondu à ma dernière lettre, ce qui m’inquiète un peu. Réponds à celle-ci, ou je me fâcherai tout de bon contre toi. J’espère au moins que tu n’es point malade, et qu’il ne t’est rien arrivé de mal.

« L’été est triste à Québec comme toujours. Tout le monde est à la campagne. Nous avons fait comme tout le monde, nous sommes descendus toute la famille à R… jolie paroisse de la côte du Sud.

« Il faut dire aussi que nous étions invités, et pour un bal encore ! C’est inviter son monde de loin, n’est-ce pas ?

« Te souviens-tu de Clorinde Wagnaër, cette grande fille un peu brune qui est sortie du couvent quelques semaines seulement après que tu y es entrée ? C’était elle qui donnait ce bal. Elle est fille unique ; sa mère est morte depuis longtemps, son père lui laisse faire tout ce qu’elle veut : il est très riche et il est fou de sa fille.

« C’était un bien beau bal, je t’assure ; ma mère dit qu’elle n’a jamais rien vu de pareil. Il y avait beaucoup de monde et rien n’avait été épargné.

« Je crois que j’ai fait une conquête à ce bal. M. Jules de Lamilletière a été rempli d’attentions pour moi. C’est le fils aîné du seigneur de l’endroit, ni plus, ni moins. S’il se déclare, je te tiendrai au courant de mes amours.

« Clorinde est beaucoup plus avancée que moi. Elle a pour cavalier le plus charmant garçon qu’on puisse trouver. Il est très instruit, rempli de talens et d’activité, et il aura une bonne petite fortune. Il se nomme M. Charles Guérin. Ils s’aiment tous deux à la folie. Clorinde est une bien charmante fille. Elle a embelli depuis qu’elle a laissé le couvent, et elle tient plus qu’elle ne promettait

« Cela me fait penser que tu ne me parles de rien de sembla-