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CHARLES GUÉRIN.

passé, je consentais à accepter un seul des deniers qui vous étaient destinés.

« Vous trouverez sous ce pli une renonciation en bonne forme aux avantages que m’a faits M. Dumont. Pour mettre votre conscience en repos, je dois vous dire que les graves torts et négligences dont il parle n’ont jamais existé que dans son imagination.

« Je vous prie de me pardonner ma conduite à votre égard, dont je n’ai été que trop puni, et d’accepter les souhaits bien sincères que je fais pour votre bonheur.»

Cette lettre fut écrite franchement et sans arrière-pensée, elle le fut aussi sans hésitation. Louise, Pierre, et l’ami Jean Guilbault à qui Charles la montra, trouvèrent cette conduite si simple, si naturelle, qu’ils n’eûrent pas même la pensée de le complimenter sur son désintéressement.

Pour toute réponse, Mlle. Lebrun renvoya sous enveloppe et la lettre et la renonciation.

Ce fut pour Charles un véritable coup de foudre. Qu’y avait-il dans sa lettre qui pût lui attirer un acte de mépris aussi écrasant ! Comment la nièce de M. Dumont pouvait-elle s’offenser d’une conduite que l’honneur seul avait dictée ? Que faire, pour la contraindre à garder un bien dont Charles rougissait de la priver ?

Les choses ne pouvaient certainement point rester ainsi. Le petit conseil de famille se tourmenta à chercher les motifs de cette conduite. Jean Guilbault crut les avoir trouvés en disant que probablement Marie était sur le point de se marier, et que son épouseur ne voulait rien devoir à la libéralité d’un premier amoureux. Jean Guilbaut en eut fait autant.

Charles, suivant cette idée, prit ce qu’il considérait un parti extrême ; il se décida à porter lui-même en cadeau de noces ce legs dont tant d’autres, dans sa position, se seraient fort bien accommodés. Après s’être muni de phrases et d’argumens pour