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CHARLES GUÉRIN.

Quelques instans après un gros chien aboya à la voiture, puis se mit à la suivre en donnant des marques non équivoques de contentement.

Une vieille femme, qui filait sur le seuil de sa porte, leva vers la voiture, son énorme nez chargé d’une énorme paire de lunettes, et s’écria en joignant les mains : Jésus, Marie du bon Dieu !.. Je l’avions toujours dit !

À la maison voisine, Charles ordonna à son cocher d’arrêter, et il entra chez Jacques Lebrun, précédé de Castor qui fesait mille gambades, et suivi de la mère Paquette accourue sur ses talons.

Une servante assez proprement habillée dit au Monsieur que Mademoiselle Marie était dans la grande chambre, et le conduisit à cet appartement. La grande chambre était un joli salon avec une tapisserie tout autour, quelques gravures bien encadrées, un joli tapis sur le plancher, quelques meubles assez convenables, des pots de fleurs dans toutes les fenêtres, un piano, une petite bibliothèque, et une table couverte de beaux livres.

Il n’y avait plus à se reconnaître chez Jacques Lebrun, tant on y avait pris un air de ville.

La dame de céans eut le bon esprit de ne pas s’évanouir, quelle que fut sa surprise. Elle se contenta d’une légère rougeur qui anima un peu sa physionomie empreinte de tristesse et de souffrance. La toilette de la jeune fille ne déparait point son joli salon. Elle était simple et élégante.

Charles stupéfait balbutia gauchement quelques cérémonieux bouts de phrases.

— Tout ce que vous voyez ici vous étonne, lui dit Mlle. Lebrun, avec un fin sourire. Que voulez-vous ? Mon père n’a pas voulu me laisser mourir et il m’a forcé d’accepter tout ce luxe……

— Qui sera loin d’être déplacé en regard des deux tiers de