Page:Chefs-d'œuvres des pères de l'église, tome XV, 1838.djvu/463

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avez créés ; mais les sens de mon âme sont énervés, engourdis par la longue torpeur du péché.

Chap. XVIII.

Hélas ! me voici retombé dans la tristesse et la désolation en cherchant l’allégresse et la joie. Mon âme espérait enfin s’abreuver à la source des félicités, et sa soif est plus ardente que jamais ; elle espérait enfin se rassasier de la nourriture céleste, et sa faim n’a fait qu’augmenter. Je voulais m’élever jusqu’à la lumière de Dieu, et je suis retombé dans mes ténèbres ; je sens qu’elles m’environnent ; elles sont mon séjour comme la lumière est le vôtre. Je suis tombé dans ce sombre abîme avant d’être conçu dans le sein de ma mère ; j’ai été conçu dans les ténèbres, et elles m’enveloppaient quand je suis né. Oui, nous sommes tous déchus dans la personne de celui en qui nous avons tous péché. Tous nous avons perdu, dans la personne de celui qui le possédait et qui l’a laissé échapper, ce bien idéal que nous ignorons quand nous voulons le chercher, que nous ne trouvons pas quand nous le cherchons, et qui nous échappe encore quand nous croyons l’avoir trouvé.

Que votre bonté me soit en aide, Seigneur : « J’ai cherché votre visage, c’est votre visage que je veux chercher encore ; ne détournez pas de moi votre face. » Relevez-moi de ma misère, afin que je puisse comprendre votre grandeur ; guérissez les yeux de mon âme, purifiez-les, donnez-leur un regard plus perçant et plus vaste, afin qu’ils puissent sonder la profondeur de votre nature et mesurer son immensité. Que mon âme rassemble ses forces et vous contemple, Seigneur, avec une attention nouvelle.

Qu’êtes-vous, Seigneur, qu’êtes-vous ? Que dois-je penser de vous ? Vous êtes la vie, vous êtes la sagesse, vous êtes la vérité, vous êtes la bonté, vous êtes la béatitude, vous êtes l’éternité, vous êtes tout ce qui est beau, tout ce qui est vrai, tout ce qui est bon. Que d’attributs nombreux vous réunissez en vous, Seigneur, et mon intelligence n’est-elle pas trop étroite pour les embrasser tous d’un seul regard et permettre à mon cœur de les admirer tous à la fois ? Comment êtes-vous tout cela, ô mon Dieu ? Ces attributs sont-ils des parties de votre être ? chacun d’eux n’est-il pas plutôt tout ce que vous êtes ? L’être composé n’est pas véritablement un, il est en quelque sorte multiple et divers, et l’on peut physiquement ou par la pensée détruire cet être en le décomposant. Mais l’idée de destruction est étrangère à la notion d’un être suprême. Il n’y a donc point de parties en vous, Seigneur ; vous n’êtes ni composé ni divers ; vous êtes toujours un,