Page:Chefs-d'œuvres des pères de l'église, tome XV, 1838.djvu/473

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voudront ; car comme ils ne voudront rien autre chose que ce qu’il voudra, il voudra également tout ce qu’ils voudront, et sa volonté sera nécessairement accomplie. Est-ce la gloire, l’opulence qui te séduit ? Dieu comblera d’honneurs ses serviteurs fidèles ; que dis-je ? ils seront ses enfans, ils participeront à sa divinité, ils prendront place avec son Fils, ils seront héritiers du Père céleste et cohéritiers du Christ, leur frère aîné. Trouves-tu des charmes dans la confiance et la sécurité ? là ceux qui auront pratiqué la vertu seront sûrs de ne jamais perdre les biens, ou plutôt le bien unique dont ils jouiront, car ils ne le laisseront pas échapper volontairement ; Dieu, qui les aimera et qu’ils aimeront, ne le leur ravira pas malgré eux, et il n’y a point en dehors de lui une puissance capable de le séparer de ses élus et de vaincre sa volonté et la leur.

Quelle félicité, encore une fois, doit accompagner la possession d’un tel bien ! Cœur de l’homme, cœur ignorant des véritables joies, cœur habitué à la souffrance et fait à la douleur, de quelles délices tu serais rempli si tu pouvais te plonger dans cet océan de voluptés ! Examine-toi, sonde ta profondeur, et vois si tu pourrais contenir tant de joies, suffire à tant de bonheur ! Mais, ô faible mortel ! si un de tes frères, que tu aimerais comme toi-même, possédait aussi cette ineffable béatitude, ton bonheur serait encore doublé par le sien ; car tu jouirais autant de sa félicité que de la tienne. Et, si un grand nombre de tes frères, au lieu d’un seul, obtenaient également ce souverain bien, tu jouirais aussi de la félicité de chacun d’eux autant que de la tienne, en supposant que tu aimasses chacun d’eux comme toi-même. Ainsi donc, grâce à ce lien d’amour et de sympathie réciproque qui unira, dans l’autre vie, les légions innombrables des anges et des élus, tous jouiront de la félicité de tous autant que de leur félicité propre, et le bonheur de chacun sera multiplié sans fin et sans mesure.

Si donc le cœur de l’homme est à peine capable de contenir les joies immenses dont le remplira sa propre béatitude, comment pourra-t-il contenir celles dont l’inonderont tant d’autres béatitudes ajoutées à la sienne ? Or on jouit d’autant plus du bonheur d’autrui qu’on aime davantage sa personne ; et comme, dans cet état de béatitude où les justes parviendront un jour, chacun d’eux aimera incomparablement plus Dieu que soi-même et que tous les autres élus avec soi, il jouira aussi incomparablement plus de la félicité de Dieu que de la sienne propre et que de celle de tous les autres élus ajoutée à la sienne. Mais si alors les bienheureux doivent aimer Dieu de tout leur cœur, de tout