Page:Chefs-d'oeuvre des auteurs comiques, Tome 5, 1846.djvu/187

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Car, selon la pensée où son esprit se plonge,

Sa face, à chaque instant, s'élargit ou s'allonge.

Il se néglige trop, ou se pare à l'excès.

D'état, il n'en a point, ni n'en aura jamais.

C'est un homme isolé qui vit en volontaire ; [25]

Qui n'est bourgeois, abbé, robin, ni militaire ;

Qui va, vient, veille, sue, et, se tourmentant bien,

Travaille nuit et jour, et jamais ne fait rien ;

Au surplus, rassemblant dans sa seule personne,

Plusieurs originaux qu'au théâtre on nous donne : [30]

Misanthrope, étourdi, complaisant, glorieux,

Distrait... ce dernier-ci le désigne le mieux ;

Et tiens, s'il est ici, je gage mes oreilles

Qu'il est dans quelque allée à bayer aux corneilles,

S'approchant, pas à pas, d'un haha qui l'attend, [35]

Et qu'il n'apercevra qu'en s'y précipitant.

LISETTE

Je m'oriente. On a l'homme que tu souhaites.

N'est-ce pas de ces gens que l'on nomme poètes ?

MONDOR

Oui.

LISETTE

Nous en avons un.

MONDOR

C'est lui.

LISETTE

Peut-être bien.

Quoi donc ?

LISETTE

Le personnage en tout ressemble au tien : [40]

Sinon que ce n'est pas Damis que l'on le nomme.

MONDOR

Contente-moi, n'importe, et montre-moi cet homme.

LISETTE

Cherche ! Il est à rêver là-bas dans ces bosquets.

Mais vas-y seul : on vient, et je crains les caquets.