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PARC DE BLOSSAC.

récent et si honorable, pour oser fouler aux pieds, non-seulement les armoiries du généreux administrateur, — « de gueules à 3 bourdons de pèlerin d’argent », — mais son nom vénéré, et substituer au baptême de la reconnaissance populaire le baptême de l’ingratitude et de l’envie… En 1793, le parc de Blossac était le parc national.

Auparavant, et alors qu’il n’était encore qu’en voie d’achèvement, il avait subi une mutilation déplorable. Les officiers du régiment du roi, alors en garnison à Poitiers, excités par les fumées d’une longue orgie, trouvèrent très-plaisant de couper en une nuit tous les arbres récemment plantés. La plaisanterie fut avec raison jugée de très-mauvais goût : le régiment dut quitter la ville, et les principaux coupables furent punis de leur sotte équipée par la privation de leur grade. C’était justice.

D’après les projets primitifs de M. de Blossac, deux pavillons élégants devaient offrir aux promeneurs un asile contre le froid et les chaleurs ; mais ce qui eût constitué un ensemble plein de magnificence, ce qui eût honoré à jamais la mémoire de l’Intendant, en métamorphosant une portion peu brillante de la vieille ville de Poitiers, c’était le beau projet conçu par M. de Blossac de réunir la nouvelle promenade à la place Royale par une grande et large rue droite, qui eût reçu des constructions monumentales pour l’intendance et les administrations, et qui eût été bâtie sur un plan uniforme.

Ce projet gigantesque ne pouvait s’exécuter qu’à force d’argent. Or, M. de Blossac ne voulait point en demander à de nouveaux impôts : il eut donc recours à l’économie ; lui, si généreux, se fit « chiche et quelquefois absolument négatif » : par ce moyen, il avait déjà, au bout de quelques années (1778), amassé la somme, énorme alors, de 50 000 écus, justement la moitié de ce qu’il fallait, lorsque le financier Necker devint contrôleur général.

Le Génevois n’était pas obligé d’avoir un cœur poitevin : aussi ne voulut-il point écouter les suppliques de M. de Blossac. Les fonds économisés durent être retirés des mains du dépositaire qui les faisait valoir, pour être