Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/38

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avec un sourire embarrassé puis, négligemment :

— Syme, j’ai en vous une confiance pour ainsi dire filiale. Je sens que je puis m’ouvrir à vous sans réticence, puisque vous m’avez promis d’être discret. J’ai envie de vous faire une confidence que je ne ferais pas aux anarchistes qui seront ici dans dix minutes. On va voter, ici, dans une dizaine de minutes ; mais c’est, autant dire, pour la forme.

Il baissa les yeux modestement.

— Il est à peu près entendu d’avance que, Jeudi, c’est moi.

— Mon cher ami ! s’écria Syme cordialement, je vous félicite ! Quelle belle carrière !

Gregory sourit pour décliner ces politesses et reprit sa promenade.

— Tout est préparé pour moi sur cette table. La cérémonie ne sera pas longue.

Syme s’approcha de la table que désignait Gregory. Il y avait une canne à épée, un revolver Colt, une boîte à sandwichs et une énorme bouteille de brandy. Sur une chaise, près de la table, s’étalait une ample pèlerine.

— Je n’ai qu’à attendre la fin de ce scrutin, continua Gregory avec animation, puis je prendrai cette pèlerine et ce gourdin, j’emporterai ce revolver, cette boîte et cette bouteille, et je sortirai de cette caverne par une porte qui donne sur la rivière. Là m’attend un petit bateau à vapeur, et alors… Alors ! Oh ! la folle joie d’être Jeudi !