Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/50

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— Quelqu’un s’oppose-t-il à la candidature du camarade Gregory ?

L’assemblée paraissait hésitante, déconcertée dans son subconscient. Le camarade Witherspoon s’agitait en murmurant dans sa barbe des mots incompréhensibles.

Pourtant par la seule force de l’inertie et de la routine, l’élection de Gregory allait être assurée, le Président ouvrait déjà la bouche pour prononcer les syllabes sacramentelles, quand Syme proféra, dans le silence de tous, avec douceur, ces mots :

— Monsieur le Président, je fais opposition.

L’effet oratoire le plus puissant provient d’un changement inattendu dans le ton. M. Gabriel Syme connaissait, assurément cette loi de la rhétorique : après avoir articulé la formule d’un ton calme et avec une laconique simplicité, il éleva subitement la voix, si haut que cette voix se brisait et se répercutait sous les voûtes comme si l’un des fusils était parti.

— Camarades, s’écria-t-il d’une voix telle que chacun trembla dans ses bottes, camarades ! Est-ce pour cela que nous sommes venus ici ? Vivons-nous sous terre comme des rats pour entendre cela ? C’est là de l’éloquence qui nous conviendrait si nous allions, les jours de fête, manger des gâteaux dans les écoles du dimanche ! Avons-nous fait de ces murs un râtelier d’armes, avons-nous barricadé cette porte avec des engins de mort pour empêcher les gens de venir écouter les homélies du camarade