Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/64

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— Si vous prétendez dire que votre pensée est claire pour vous, je veux bien le croire ; mais quant à vous expliquer clairement, c’est ce que vous ne faites pas du tout. Comment se fait-il qu’un homme comme vous vienne parler philosophie sous un casque bleu, sur les quais de la Tamise ?

— Il est évident que vous n’êtes pas informé des récents développements de notre système de police, répliqua l’autre. Je n’en suis pas surpris, d’ailleurs, car nous les cachons à la classe cultivée, où se recrutent la plupart de nos ennemis. Mais il me semble que vous avez des dispositions… que vous pourriez être des nôtres…

— Être des vôtres ! demanda Syme, et pour quoi ?

— Je vais vous dire… Voici la situation. Depuis longtemps le chef de notre Division, l’un des plus fameux détectives d’Europe, estime qu’une conspiration intellectuelle, purement intellectuelle, ne tardera pas à menacer l’existence même de la civilisation : la Science et l’Art ont entrepris une silencieuse croisade contre la Famille et l’État. C’est pourquoi il a créé un corps spécial de policemen-philosophes. Leur rôle est de surveiller les initiateurs de cette conspiration, de les surveiller non seulement par les moyens dont nous disposons pour réprimer les crimes, mais de les surveiller et de les combattre aussi par la polémique, par la controverse. Je suis, pour mon compte, un démocrate, et je sais très bien quel est,