Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/71

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chef, qui semblait être au courant de tout. C’est bien. Vous êtes enrôlé.

Syme, qui sentait ses jambes se dérober sous lui, se défendit faiblement contre l’irrévocable.

— Je n’ai, à vrai dire, aucune expérience, balbutia-t-il.

— Personne n’a aucune expérience, répondit la voix, de la bataille d’Armaggedon.

— Mais… Je suis tout à fait incapable.

— Vous avez la bonne volonté. Cela suffit.

— Pardon, mais… je ne connais aucun métier où la bonne volonté soit suffisante…

— J’en connais un, moi : celui de martyr. Je vous condamne à mort. Bonjour.

C’est ainsi qu’un instant après Gabriel Syme, toujours coiffé de son misérable chapeau noir et toujours vêtu de son misérable manteau d’outlaw, reparut à la lumière rouge du soir en qualité de membre du nouveau corps de détectives, organisé en vue de faire avorter la grande conspiration. Sur le conseil de son ami le policeman, qui était par sa profession enclin à la propreté, il se fit peigner la barbe et les cheveux, acheta un chapeau décent, un délicieux complet d’été bleu gris, mit une fleur d’un jaune pâle à sa boutonnière, et devint, en un mot, ce jeune homme d’une élégance un peu insupportable que Gregory devait rencontrer dans son petit jardin de Saffron Park.

Avant qu’il quittât définitivement l’hôtel de la police, son ami le pourvut d’une carte bleue qui