Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/80

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tout d’abord. À l’une des extrémités du balcon, interceptant la perspective, c’était le dos d’une gigantesque montagne humaine. En l’apercevant, Syme pensa tout de suite que le balcon de pierre allait céder sous le poids de cette masse de chair. Et ce n’était pas seulement parce qu’il était extraordinairement haut de stature, et incroyablement gros, que cet homme paraissait si ample : la cause réelle de l’impression d’excessif qu’il produisait était dans l’ordonnance des plans de sa personne, dans les proportions originales selon lesquelles cette statue vivante avait été exécutée. Vue de derrière comme la voyait Syme, la tête, couronnée de cheveux blancs, paraissait plus haute et plus large que nature, les oreilles paraissaient plus grandes que des oreilles humaines. Tout était en proportion. Auprès de ce colosse, tous les autres hommes se rapetissaient, devenaient des nains. À les voir, assis tous les cinq autour de la table, on eût dit que le grand homme offrait le thé à des enfants.

Comme Syme et son guide approchaient de l’hôtel, un garçon vint à eux souriant de toutes ses dents.

— Ces messieurs sont là-haut, dit-il ; ils causent joyeusement ; ils prétendent qu’ils veulent jeter des bombes sur le roi !

Et le garçon, sa serviette sous le bras, s’éloigna rapidement, fort amusé lui-même de l’exceptionnelle frivolité de ces messieurs.