Page:Chevalier - L'Economie politique et le socialisme, 1849.djvu/19

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tice. Par cela même, elle ne laisse pas que d’encourager indirectement l’homme à se montrer juste et vertueux. Ainsi, quand Achille est déguisé, à Scyros, sous les accoutrements d’une jeune fille, pour réveiller en lui la nature d’un héros, il suffit à Ulysse de placer sous ses yeux une épée, comme par hasard. Mais je ne puis trop le répéter, l’économie politique n’a pas charge d’âmes. Ce n’est pas elle qui a reçu spécialement la grande mission d’inspirer aux individus des sentiments vertueux, de fixer dans les esprits l’amour de l’équité, encore moins de toucher les cœurs et de les faire tressaillir des élans de la charité. Il lui est interdit d’aller sur les brisées de la philosophie et de la religion, et de tenter de leur dérober leurs attributions. Elle suppose qu’elles l’ont devancée et que les hommes les ont aidées à remplir leur tâche sur eux-mêmes.

Vous apercevez donc l’erreur dans laquelle tombent les détracteurs de l’économie politique. Ils méconnaissent la répartition des attributions qui existent nécessairement entre l’économie politique et les deux grandes puissances de l’ordre intellectuel et de l’ordre moral, la philosophie et la religion. Ils supposent que l’économie politique s’arroge un pouvoir qu’elle n’a point et qu’elle ne peut avoir. Ils troublent ce que nous appelons, dans la langue de l’économie politique, la division naturelle du travail, division qui, lorsqu’elle est tracée et bien observée, donne des résultats admirables.

Du point de vue où je viens d’essayer de vous transporter, vous aurez peu de peine à apprécier à leur juste valeur les autres griefs de nos adversaires, car ce n’est guère que la paraphrase de cette accusation, que l’économie politique n’a pas d’entrailles, et qu’elle ne parle pas la langue de la charité. Examinons, par exemple, ce qui concerne Malthus.