Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/105

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Butler et son Influence 89 le fruit d'un irrésistible génie. Ce mot lui semblait absurde. J'espère ne pas offenser ces « Butlériens » qui ' ont encore la ferveur des néophytes, en disant que leur grand homme n'était peut-être pas même un très grand esprit. Mais, à coup sûr, c'était un caractère, et si curieux qu'il nous paraît invraisemblable, et si vigoureux que, comme tous ceux qui ont du caractère, il a souvent passé pour l'avoir fort mauvais. Fils de « clergyman », petit-nls d'un évoque anglican, héritier d'une dynastie d'éducateurs, de pasteurs, il a porté les coups les plus terribles à la famille anglaise, à l'éducation, et à l'institution ecclésiastique. Si l'épithète d'anticlérical n'avait quelque chose d'équivoque, il faudrait l'inventer pour Butler. Et si l'épithète d' antifamilial pou- vait être risquée, jamais personne ne l'aurait courtisée, voulue, méritée au même point que lui. II a consciem- ment, inlassablement, déverni le sentiment domestique. Il a, sans éclat, mais non sans colère, dévêtu, flagellé, la famille et l'éducation pieuse de son temps. Cette attitude n'avait rien d'artificiel. Elle était le fruit de son expérience, le fonds même de son être. L'expérience est, pour lui, bien plus que la condition de la littérature. Il n'y a pas de différence à ses yeux entre l'impression et l'expression. Les idées sont vivantes, s'agrègent à l'être physique, se transmettent par hérédité, par évolution, s'expriment en paroles, en actes, en écrits, sans en de- mander licence. Ses livres sont de la vie et de sa propre vie. Il n'est rien, dans ses romans, qui ne s'explique par sa biographie. Comment se fait-il qu'un tel destin, un tel homme, une telle œuvre, n'aient pas encore tenté les écrivains qui font profession de nous renseigner sur l'Angleterre contempo- raine ? C'est, dira t-on, un sujet de journaliste. Comme D 3 'ti«dby Google

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