Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/109

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Butler et son Influence 93 l'ouvrage ne présente pas une patrie meilleure, une Société modèle, mais l'image ou renversée ou déformée de sa propre patrie, de son propre monde. Nî la violence pessimiste de Swift, ni l'optimisme de More, ni la ten- dance de leurs émules vers l'exhortation et l'avenir, l'espoir et le désespoir, n'entrent dans l'humour de Samuel Butler. Il est à tel point objectif qu'à certains moments on ne sait et il ne sait lui-même s'il y entre plus/ de sympathie que d'ironie, ou plus d'ironie que de sym- pathie. Il se moque à la fois du vieux monde et de son! monde nouveau, parce qu'il y a dans l'un et l'autre du \ bon et du mauvais, du vrai et du faux. Le sourire de : Butler reste souvent énigmatîque. Sa Muse est une / Joconde qui raisonne. Ne lui reprochez donc pas ses ' i n conséquences. « Je sais », dit-il, « qu'elles sont nombreuses. Mais les « Erewhoniens sont un peuple très difficile à comprendre. « Les anomalies les plus aveuglantes ne semblent leur « causer aucune gêne intellectuelle. Pourvu qu'Us ne « soient atteints ni dans leur bourse nî dans leur bien- « être, j'ai pu leur dire en face qu'ils se mentent à eux « mêmes, et toute leur vîe. Ils m'ont répondu que c'est « bien vrai, mais que cela n'a pas d'importance. » Le lecteur étranger doit donc aborder Butler avec précaution. En maint endroit, rien, sauf un léger frémissement, ne trahit son ironie. Il avait la même puissance de mystification que Defoe, et aboutit parfois au même résultat, celui de se faire prendre au sérieux par ceux-là mêmes qu'il bafoue. Le zèle de la vérité, le zèle de la vertu, sont ses bêtes noires. Il y discerne l'origine du mensonge et du vice chez ceux qui s'en rendent coupables, de la dissimulation et de l'insincéritc chez ceux qui en souffrent. .Son ironie est à double j a ,tiz B dbvG00gle

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