Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/190

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gable chevalier ne m’avait pas laissé dormir un moment, & je croyais avoir sommeil : mais point du tout ; toute entière à Danceny, le désir de le tirer de son indolence, ou de m’en venger ne me permit pas de fermer l’œil, & ce ne fut qu’après avoir bien concerté mon plan, que je pus trouver deux heures de repos.

J’allai le soir même chez madame de Volanges, &, suivant mon projet, je lui fis confidence que je me croyais sûre qu’il existait entre sa fille & Danceny une liaison dangereuse. Cette femme, si clairvoyante contre vous, était aveuglée au point qu’elle me répondit d’abord qu’à coup sûr je me trompais, que sa fille était un enfant, etc., etc. Je ne pouvais pas lui dire tout ce que j’en savais, mais je citai des regards, des propos, dont ma vertu & mon amitié s’alarmaient. Je parlai enfin presque aussi bien qu’aurait pu faire une dévote ; &, pour frapper le coup décisif, j’allai jusqu’à dire que je croyais avoir vu donner & recevoir une lettre. Cela me rappelle, ajoutai-je, qu’un jour elle ouvrit devant moi un tiroir de son secrétaire, dans lequel j’en vis beaucoup, que sans doute elle conserve. Lui connaissez-vous quelque correspondance fréquente ? Ici la figure de madame de Volanges changea, & je vis quelques larmes rouler dans ses yeux. Je vous remercie, ma digne amie, me dit-elle, en me serrant la main ; je m’en éclaircirai.

Après cette conversation, trop courte pour être suspecte, je me rapprochai de la jeune personne. Je la quittai pourtant bientôt après, pour demander à sa mère de ne pas me compromettre vis-à-vis de sa fille ; ce