Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/195

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mestiques dans cette aventure : car enfin, si elle se conduit à bien, comme je l’espère, il faudra qu’elle se sache immédiatement après le mariage, & il n’y a pas de moyens plus sûrs pour la répandre ; ou, si, par miracle ils ne parlaient pas, nous parlerons nous, & il sera plus commode de mettre l’indiscrétion sur leur compte.

Il faudra donc qu’aujourd’hui vous donniez cette idée à Danceny ; & comme je ne suis pas sûre de la femme de chambre de la petite Volanges, dont elle-même paraît se défier, indiquez-lui la mienne, ma fidèle Victoire. J’aurai soin que la démarche réussisse. Cette idée me plaît d’autant plus que cette confidence ne sera utile qu’à nous, & point à eux : car je ne suis pas à la fin de mon récit.

Pendant que je me défendais de me charger de la lettre de la petite, je craignais à tout moment qu’elle ne me proposât de la mettre seulement à la petite poste ; ce que je n’aurais guère pu refuser. Heureusement, soit trouble, ou ignorance de sa part, ou encore qu’elle tînt moins à la lettre qu’à la réponse, qu’elle n’aurait pas pu avoir par là, elle ne m’en a point parlé : mais, pour éviter que cette idée lui vînt, ou au moins qu’elle pût s’en servir, j’ai pris mon parti sur-le-champ ; & en rentrant chez la mère, je l’ai décidée à éloigner sa fille pour quelque temps, à la mener à la campagne… Et où ?… Le cœur ne vous bat pas de joie ?… Chez votre tante, chez la vieille Rosemonde. Elle doit l’en prévenir aujourd’hui : ainsi, vous voilà autorisé à aller retrouver votre dé-