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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/108

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Journal

vaiſſeau ; & l’on me traite comme fî j’eftois quelque choſe. J’étudie tant que je veux. Le Siamois va à merveilles ; & je commence à jargonner avec les Mandarins. Mais ſur le tout je ſuis bien réſolu à tout ce que Dieu voudra faire de moi. Si je demeure à Siam, je croi ne m’y point ennuyer pendant deux ou trois ans ; & ſi je n’y demeure pas, j’aurai toujours fait un beau voyage. J’aurai appris bien de petites choſes. Je n’aurai gueres offenſé Dieu pendant deux ans. Helas, peut-eſtre que par-là ce ſeront les deux plus belles années de ma vie ! Hé comment ferions-nous pour offenſer Dieu ſur ce vaiſſeau ? On n’y parle que de bonnes choſes ; on n’y voit que de bons éxemples. Les tentations ſont à trois ou quatre mille lieues d’ici. Franchement nous n’avons pas grand mérite à vivre dans l’ordre. J’eſtois déja reſolu, avant que de partir de Paris, de me donner entiérement à l’Egliſe. Je vis du bien de l’Autel : ne faut-il pas ſervir l’Autel ? J’eſpere que Dieu me fera la grace de prendre les Ordres à Siam, & de la main de ces bons Evêques ſucceſſeurs des Apôtres. Cela me portera bonheur ; & quand je n’aurois eu à la tête que ce deſſein, n’aurois-je pas bien fait de faire douze mille lieuës ? Je ſuis bien en train de cauſer : il faut pourtant vous quitter. Une autre fois nous en dirons davantage : la matiere n’eſt pas épuiſée.