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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/238

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Journal

l’Ambaſſadeur les euſt portez lui-même.

M. Conſtance eſt venu conter à M. l’Ambafſadeur une converſation importante qu’il a euë avec le Roi. M. l’Evêque & moi eſtions en quart.

Nous avons eſté nous promener hors la ville. Je ne puis me laſſer d’admirer une fort grande ville dans une iſle entourée d’une riviere trois fois groſſe comme la Seine, des vaiſſeaux François, Anglois, Hollandois, Chinois, Japonois Siamois, un nombre innombrable de balons, des galeres dorées où il y a ſoixante rameurs. Le Roi commence à faire bâtir des vaiſſeaux à l’Européane : on en vient de lancer trois à l’eau. Mais ce qu’on ne peut aſſez admirer, c’eſt que des deux cotez de cette iſle on voit des camps ou villages habitez par des nations différentes ; toutes les maiſons de bois qui ſont à nage ; les bœufs, vaches, cochons en l’air. Les ruës ſont des allées d’eau vive & courante, à perte de veuë, ſous de grands arbres verts ; & dans ces petites maiſons tout fourmille de peuple. Un peu au-delà des villages ſont de grandes campagnes de ris, que l’on traverſe en bateau. Le ris s’éleve toujours audeſſus de l’eau ; & l’horiſon eſt borné par de grands arbres, audeſſus deſquels d’eſpace en eſpace on voit briller les tours & les piramides des pagodes, qui ſont dorées à deux ou trois couches. Je ne ſçai pas ſi je préſente à votre imagination une belle veuë : mais certainement je n’ai jamais rien veu