Il me reſte à vous parler de la religion des Siamois. Je m’en ſuis inſtruit à fonds avec M. de Metellopolis, qui la doit ſçavoir depuis vingt-quatre ans ; & avec M. l’Abbé de Lionne, qui s’y eſt fort appliqué. Mais remettons cela à demain. Le vaiſſeau tourmente un peu, le vent eſt foible, la mer eſt groſſe ; & quand on écrit longtemps la tête tourne.
LA religion des Siamois eſt fondée ſur le droit naturel ; & n’eſt proprement qu’un ramas d’hiſtoires ſans fin, qui ne tend qu’à faire rendre des honneurs divins aux Talapoins, leur principale vertu conſiſtant à les honorer. Ces Talapoins ont des loix admirables qu’ils obſervent aſſez bien, au moins à l’extérieur. Leur fin dans toutes leurs bonnes œuvres eſt quelque bonne transmigration de leur ame dans le corps de quelque homme riche ou roi, ou dans le corps de quelque animal docile, comme d’une vache ou mouton, qu’ils n’oſent tuer de peur de tuer leur pere ou leur mere. Ils admettent un enfer & un paradis, où les crimes ſont punis, & les bonnes actions récompenſées ; mais ſeulement pour un temps, aprés quoi les ames reviennent ſur la terre.
Ils croyent qu’il y a eu dans les ſiecles paſſez un grand nombre de grands Talapoins, qui par des mérites extraordinaires qu’ils avoient aquis
