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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/423

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du Voyage de Siam.

Un petit bâtiment François nous apprend que nous ſommes a huit lieuës d’Oueſſant, & qu’il nous reſte au Sueſt. Il dit que le Roi ſe porte bien, & qu’on a armé quinze vaiſſeaux de guerre à Breſt Là-deſſus chaſſe ſur Oueſſant, & je m’en vais me coucher.

Vraiment voici une belle affaire. On me réveille en ſurſaut : Miſéricorde, nous ſommes perdus, nous allons donner ſur une roche. J’entens crier d’un côté, arrive, arrive ; & de l’autre, olof, olof. Cinquante voix crient à pleine tête ; le pauvre timonier ne ſçait à qui obéir : & cependant il ventoit bon frais, & le péril eſtoit éminent. Cela n’eſt pas trop plaiſant ; car tout eſt ici plein de roches, & la nuit eſtoit fort noire. Enfin nous avons raſé une groſſe barque de pêcheurs, qui eſtoit à l’ancre démâtée ; & cette barque immobile avoit paru une roche. Il y avoit dedans cinq ou ſix hommes, qui ont couru grande fortune : nous les aurions briſez comme verre. Les pauvres gens avoient grand’ peur : nous les avions dépaſſez, & ils crioient encore, Miſericorde, ayez pitié de nous.

17. Juin.

LE jour nous a fait voir Oueſſant. Il eſt doublé, & toutes les roches paſſées ; & nous voici mouillez à deux lieuës du Mingant à 23. braſſes. La marée de demain matin nous portera à Breſt, y euſt-il vent contraire.