Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/105

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que nous parlons une autre langue que la leur ! Mais cette objection n’est guère à craindre ; après que nous avons prouvé ailleurs[1], non-seulement par raisonnement, mais par exemple, que notre langue peut donner aux ouvrages de l’esprit autant de force et de délicatesse que celle des Grecs et des Romains. C’est donc parce que nous concevons quelquefois les choses d’une autre manière qu’eux, et que nous ne suivons par servilement toutes les routes qu’ils nous ont tracées ; mais cette objection est encore moins raisonnable, et jette quelque soupçon d’ignorance sur ceux qui s’en servent, puisque les maîtres même de l’éloquence ont enseigné que la perfection de cet art n’est pas uniforme. Y a-t-il rien de si différent, disait Cicéron, que Démosthène, Lysias, Hypéride, Eschine ? Pourrez-vous vous attacher à l’un plutôt qu’aux autres, puisqu’ils sont tous éloquens ? Pourrez-vous vous attacher à tous, puisqu’ils sont si dissemblables ? O merveille de cet art ! s’écrie-t-il, ou deux personnes peuvent être dans le souverain degré de perfection sans se ressembler[2]. S’il est donc vrai, que le but de l’éloquence soit de persuader, de plaire, d’enlever

  1. Dans le livre intitulé, Défense de la langue Françoise pour l’inscription de l’arc de triomphe, et dans les deux volumes de l’Excellence de la langue Françoise.
  2. Cicero in Bruto.