Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/141

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Qui est-ce qui entreprendra désormais cette grande réconciliation ? Qui est-ce qui aura la force, qui est-ce qui aura le courage de guérir le goût corrompu des hommes ? et de dépouiller cette reine des esprits, de ces ornemens indignes, de ces passions frivoles qui la défigurent au lieu de la parer ? Qui est-ce qui, pour parler la langue des poètes, fera sortir des enfers les ombres des personnages héroïques ? et ranimera tantôt Mithridate, pour nous faire admirer une vertu féroce et barbare, mais pure et grande ? tantôt Phèdre même, pour faire entrer dans nos cœurs, avec la compassion de son malheur, l’horreur et la haine de son crime ?

Je ne sais si mes préjugés m’aveuglent, et si mes craintes sont fausses ; mais il me semble du moins que si je consulte l’Histoire et l’exemple des siècles passés, elles ne sont que trop bien fondées.

On diroit qu’il y a une fatalité, ou, pour parler mieux, un ordre saint de la providence, qui fixe dans tous les arts, chez tous les peuples du monde, un point d’excellence qui ne s’avance ni ne s’étend jamais. Ce même ordre immuable détermine un nombre certain d’hommes illustres, qui naissent, fleurissent, se trouvent ensemble dans un court espace de temps, où ils sont séparés du reste des hommes communs que les autres temps produisent, et comme enfermés dans un cercle, hors duquel il n’y a rien qui ne tienne, ou de