Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/443

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que l’expression de la nature ; mais les chants, les discours de ces hommes indépendans, qui ne parloient qu’à leurs égaux, sont souvent sublimes.

Chez des peuples barbares, c’est-à-dire, qui obéissent à de mauvaises lois, les hommes sont partagés en deux classes, celle des esclaves et celle des tyrans ; les uns sont abrutis sous le poids de leurs fers, et les autres sont endurcis par l’habitude d’opprimer. Ceux-là manquent de l’énergie qui donne de la force aux ouvrages, et ceux-ci du sentiment qui en fait le charme. Les uns ne sont pas dignes de chercher, et les autres d’entendre la vérité.

S’il naît chez ce peuple un homme de génie, le désir d’être utile n’élève pas son cœur, l’espérance de la gloire n’étend pas ses vues, elles sont bornées comme ses desseins. Il remplace les vraies beautés par des ornemens de fantaisie, parce qu’il ignore la belle nature, qui n’est sentie ni des esclaves ni des tyrans.

Lorsque les sauvages du Nord laissèrent respirer l’Europe dévastée, et que le gouvernement féodal fut établi sur les ruines de la liberté et des arts, les Seigneurs, dans leurs cours pauvres et barbares, connurent l’ennui et le besoin d’être flattés ; les tournois et les jeux ne remplissoient pas le vide de leur jours. On eut des romans pleins d’un merveilleux absurde, des histoires dictées par l’envie de tromper et par la passion