Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/513

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étoit fait de la poésie une si forte habitude, que pendant plusieurs siècles on n’auroit pas cru mériter l’attention des peuples, si l’on eût affranchi la parole des liens magiques de la versification. Cependant l’intérêt qu’avoit chaque citoyen à faire régner son opinion, l’impossibilité d’en établir l’empire par d’autres moyens que ceux de la parole, la difficulté de manier à son gré et d’appliquer avec succès un instrument aussi difficile et souvent aussi rebelle que celui de la poésie, appelèrent nécessairement une diction plus libre et plus facile. On descendit à la prose ; mais on sentit que pour plaire à des oreilles avides d’une harmonie à laquelle elles étoient depuis si long-temps accoutumées, il falloit substituer une nouvelle cadence, une mélodie nouvelle à celle qui caractérisoit le vers. L’organisation particulière et unique de la langue Grecque en offrit les moyens, et bientôt la prose elle-même devint un art soumis à des règles, à des principes presqu’aussi certains que ceux de la poésie.

Comme il n’y avoit point de mots, point de syllabes dans cette langue, dont l’énergie et les mouvemens ne fussent déterminés et connus, l’orateur ou l’écrivain pouvoit rendre l’élocution tout à-la-fois pittoresque, harmonieuse et cadencée, c’est-à-dire, exprimer, ou plutôt peindre, par les sons, l’objet qu’il avoit à rendre, et en même-temps précipiter, ralentir, en un mot régler à son gré tous les mouvemens de la phrase.