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42. — George Sand à la comtesse Marliani, à Paris.[1]

Marseille, 5 mars 1839.

Enfin, chère, me voici en France. Vous recevrez cette lettre en même temps que mon paquet de Barcelone que j’aurais mieux fait d’apporter moi-même ici car les formalités de Douane n’ont pas encore permis au docteur Cauvière de le recevoir. Vous apprendrez donc en même temps et mon départ de Majorque et mon arrivée à Marseille. Nous avons séjourné huit jours à Barcelone. Chopin a été bien soigné par la médecine française, bien assisté par l’hospitalité et l’obligeance françaises mais toujours persécuté et contristé par la bêtise, la juiverie et la grossière mauvaise foi de l’Espagnol. À tel point que l’aubergiste des 4 nations (première auberge de Barcelone et de toute l’Espagne) a voulu lui faire payer le lit où il avait dormi sous prétexte qu’il fallait brûler ce lit comme infecté de maladie contagieuse. Ce trait vous peint l’Espagne d’un bout à l’autre. Spéculations éternelles sur les souffrances d’autrui avec accompagnement d’impudence et d’injures. Oh que je hais l’Espagne ! j’en suis sortie comme les anciens à reculons c’est-à-dire avec toutes les formules de malédiction ; j’en ai secoué la poussière de mes pieds et j’ai fait serment de ne plus jamais parler à un Espagnol de ma vie.

Manoël n’est pas Espagnol, chère amie, son grand cœur, sa droiture, sa candeur, ses instincts

  1. Lettre inédite dont le texte est conservé dans les dossiers de la collection Spoelberch de Lovenjoul à Chantilly.