Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentir divinement ce que les animaux, les plantes et les métaux sentent matériellement, l’homme chez qui l’attraction électrique se transforme en une attraction sentie, comprise, intelligente, l’homme seul regarde ce miracle qui s’accomplit simultanément dans son âme et dans son corps comme une misérable nécessité, et il en parle avec mépris, avec ironie ou avec honte ! Cela est bien étrange. Il est résulté de cette manière de séparer l’esprit de la chair qu’il a fallu des couvents et des mauvais lieux.

Voici une lettre effrayante. Il vous faudra six semaines pour la déchiffrer. C’est mon ultimatum. S’il est heureux ou doit être heureux par elle, laissez-le faire. S’il doit être malheureux, empêchez-le. S’il peut être heureux par moi sans cesser de l’être par elle, moi je puis faire de même de mon côté. S’il ne peut être heureux par moi sans être malheureux avec elle, il faut que nous nous évitions et qu’il m’oublie. Il n’y a pas à sortir de ces quatre points. Je serai forte pour cela, je vous le promets ; car il s’agit de lui, et si je n’ai pas grande vertu pour moi-même, j’ai grand dévouement pour ce que j’aime. Vous me direz nettement la vérité ; j’y compte et je l’attends. Il est absolument inutile que vous m’écriviez une lettre ostensible. Nous n’en sommes pas là, M[allefille] et moi. Nous nous respectons trop pour nous demander compte, même par la pensée, des détails de notre vie. Il est impossible que Mme  Dorval ait les raisons que vous lui supposez. Elle est plutôt légitimiste (si elle a une opinion) que républicaine. Son mari est carliste. Vous aurez été chez elle aux heures de ses répétitions ou de son travail. Une actrice est difficile à joindre. Laissez