Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/62

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ou quatre fois, nous sommes inquiets et tristes de votre silence. Nous avons pourtant des nouvelles de Marliani. La manière la plus sûre de nous écrire parmi toutes celles que nous avons tâtées, est d’adresser à Mr Canut y Mugnerot à Palma de Mallorca, Îles Baléares. Sous enveloppe : Pour Mme G. Sand. Affranchir jusqu’à la frontière indispensablement.

Chopin a été assez souffrant ces jours derniers.[1] Il est beaucoup mieux, mais il souffre un peu des variations de la température qui sont fréquentes ici. Nous allons avoir enfin une cheminée L’Homond et veuille la Providence veiller sur nous, car il n’y a ici ni médecin, ni médecine[2]. Maurice va très bien. L’absence du piano m’afflige beaucoup pour le petit. Il en a loué un

  1. La maison louée par Chopin et George Sand à Establiments près de Palma était connue dans le pays sous le nom de « So’n Vent » (Maison du Vent). Elle appartenait à un certain señor Gomez, intéressé et vaniteux. Dès que les pluies se mirent à tomber, cette demeure construite pour la bonne saison devint inhabitable. Elle n’avait ni feu ni cheminées et ses murs étaient très minces. Chopin prit froid. Les émanations étouffantes du brasero allumé à l’intérieur de la maison le firent tousser plus encore. George Sand appela successivement trois médecins. Ceux-ci déclarèrent que Chopin était ni plus ni moins que tuberculeux, ce qui, à ce moment, n’était probablement pas vrai. Or comme la tuberculose était crainte alors en Espagne à l’égal de la peste, Gomez expulsa ses locataires.
    La « Maison du Vent » existe encore, mais elle a subi de grandes transformations.
  2. George Sand fait erreur. Chopin, nous venons de le voir, avait été examiné par trois médecins ; sans doute, le manque absolu de science de ceux-ci pousse-t-il la romancière à dire qu’il n’y avait alors « ni médecin, ni médecine » à Majorque. À ce propos, relevons un passage d’« Un Hiver à Majorque » omis dans toutes les éditions de cet ouvrage de George Sand, mais que M. B. Ferra a inséré dans : « Chopin et George Sand à Majorque » d’après le manuscrit de l’ouvrage, manuscrit qui est un des joyaux de la cellule-musée de la Chartreuse de Valdemosa. Ce passage, le voici : « Son aide major [celui d’un des médecins] que nous avions surnommé « Malvavisco » [guimauve], à cause de sa prescription favorite, était si malpropre que notre malade ne pouvait se résoudre à lui laisser tâter son pouls. Nous étions en plein Diafoirusisme. »