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Claude Paysan

chapeau plein de cerises qui paralysait ses gestes, son pantalon qu’il savait déchiré au genou, tout cela lui donnait un air qu’il sentait gauche et qu’il ne pouvait pas rendre naturel.

Mais elle, en vraie fille d’Ève, ceci l’amusait ce grand garçon si brun qui paraissait tout intimidé en sa présence et elle continuait toujours à lui parler… oh ! doucement, par exemple, comme pour lui bien faire voir qu’elle comprenait, va, et que ça ne l’occupait guère sa tenue de travail et la déchirure de son pantalon.

Alors, elle lui demandait des choses enfantines et toutes naïves.

… Il répondait un peu plus à l’aise maintenant, disait des phrases complètes sans s’arrêter et sans trop s’embrouiller dans les mots. Il lui racontait qu’il achevait sa récolte… en avant de tous ses voisins… quoique seul maintenant pour travailler… C’est qu’il n’était pas très étendu son champ… Ah ! non… dix arpents environ… jusque-là, elle voyait bien, et de la main, il lui désignait là-bas la clôture qui le bornait derrière une haie de petits arbres feuillus.

Elle aussi lui apprenait ses affaires, lui faisait des confidences… Ainsi, la hâte qu’elle avait chaque année de revenir, le plaisir de retrouver ses fleurs et ses grands arbres, de courir partout… Que c’était donc bon, lui disait-elle, l’odeur d’ici après celle des villes… Là, ce n’était que de la fumée, que de la poussière, que des petits morceaux de soleil terne, puis du bruit, le jour, la nuit, tandis qu’ici… C’était toujours une vraie fête pour elle son retour à la cam-