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ils offraient une retraite sûre, et nos malheureux exilés y établirent leur campement sur une petite île boisée qui se trouve au milieu du barachois. Ils y passèrent l’hiver 1756, vivant de chasse et de pêche. Trois ou quatre de ces émigrés moururent et y furent enterrés. On pouvait voir encore, il y a quelques années, l’endroit de leurs fosses par la dépression du terrain. Cet endroit était appelé Tracadièche par les sauvages, ce qui signifiait, d’après l’interprétation du fameux chef micmac Sam Souk, durant plusieurs années interprète des missionnaires de la réserve des sauvages de Ste-Anne de Restigouche, « endroit où il y a beaucoup de hérons, » oiseaux aquatiques qui y faisaient leur séjour en grand nombre.

À peu près vers la même époque, un groupe plus considérable d’émigrés, comprenant environ 750 personnes, partait également du Bassin des Mines et de l’Île Saint-Jean. La troupe se composait des Arsenault, des Poirier, des Savoie, des Boudreau, des Gauthier, des Guidry, des Allain, des Bourg, des Bourdage, des Lamontagne, des Leblanc, des Bujold, etc. Ces pauvres gens, craignant de tomber entre les mains des Anglais, s’étaient réfugiés dans les bois n’emportant que peu de provisions et espérant pouvoir, grâce à l’aide des sauvages, qui se montrèrent toujours leurs fidèles alliés, atteindre le Canada pour s’y fixer.

Confiants dans la Divine Providence, ils supportèrent vaillamment la disette de vivres et les incommodités de la vie sous bois en compagnie des sauvages, et atteignirent enfin la Baie des Chaleurs vers le mois de décembre 1757. Ils passèrent l’hiver à l’abri d’une petite montagne appelée « Pain de sucre, » au pied de laquelle s’élève aujourd’hui la florissante petite ville de Campbelton.

Au printemps suivant, la troupe entière traversa à Restigouche, où il y avait une garnison française sous les ordres de M. de D’Anjac, à un endroit appelé Pointe à la Garde.