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trempée, corps endurci à la fatigue, le jeune et courageux missionnaire ne reculait devant aucun obstacle et savait les vaincre lorsqu’il s’agissait du salut des âmes qui lui étaient confiées.

Jamais un mot de plainte : il avait cependant 45 milles de pénibles missions. La seule plainte qu’il ait jamais laissé tomber de sa bouche, était ces paroles du P. Lejeune, dont il se servait un jour dans une de ces lettres :

« Coucher sur la terre couverte d’un peu de branches de pin, n’avoir qu’une écorce entre la neige et notre tête, traîner notre bagage sur les montagnes, se laisser rouler dans des vallons épouvantables, ne manger qu’une fois en deux ou trois jours quand il n’y a point de chasse, c’est la vie qu’il faut mener en suivant les sauvages. Mais on ne peut mourir qu’une fois, le plus tôt n’est pas toujours le pire. »

Un jour que M. Faucher faisait la mission aux Micmacs de Ristigouche, étant sur le point de partir pour Carleton, lieu de sa résidence ordinaire, son esprit observateur remarqua parmi la tribu un air de mystère qui ne présageait rien de bon. Depuis plusieurs années les Micmacs avaient formulé des plaintes au gouvernement, accusant les bourgeois anglais de Ristigouche d’empiéter sur les droits et les réserves des sauvages. Tous les ans les bourgeois barraient la rivière, large d’un mille, et au moyen de filets, ils accaparaient le hareng et le saumon qui la remontaient, enlevant ainsi aux indiens des milliers de quarts de poisson, et ne leur laissant que les éventualités de la chasse pour éviter la famine.

Ces griefs avaient été transmis à qui de droit, mais restaient encore sans réponse, et l’irritation était à son comble, lorsqu’une dernière vexation vint faire déborder la mesure. Le bruit se répandit que les anglais s’emparaient des prairies naturelles qui bordent la Rivière-du-Loup, dans le can-