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L’ŒIL DU PHARE

de plaisance, et peut-être plus intimement, du début de sa vie émancipée qui lui a fait quitter les siens, au bras de sa jeune épouse, avec la responsabilité encore trop nouvelle de son bien-être et de son bonheur. La jeune femme, plus folâtre, se plaît à mille questions dont elle accueille les réponses avec des petits cris exclamatifs des plus jolis et des plus maniérés.

En bas, sur le pont des manœuvres, accoudé au bastingage, un marin jeune et robuste, à la vareuse de laine bleue largement ouverte sous la gorge, hume aussi lui, rêveur, la bonne brise du soir. La dame, qui veut paraître impressionniste à son tour appelle sur lui l’attention de son mari :

— « Ne dirait-on pas, Émile, que ce beau marin souffre de quelque grand regret ? Celui, sans doute, des êtres, des lieux qu’il a quittés ? Pourquoi se tient-il là seul et non avec le reste de l’équipage ? Il est étranger peut-être ? Il a quitté peut-être une mère, des sœurs, une fiancée peut-être, un foyer paternel et lointain dont il rêve ? Oh ! que cela est triste ! »