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L’ŒIL DU PHARE

son aisance innée, avec ses études et sa sagesse naturelle, ne pouvait plus s’empêcher de constater de mieux en mieux, à la vue de ses enfants grandissants, que l’âme ancestrale de sa famille ne s’était pas acclimatée au pays étranger ; qu’elle était restée là-bas sur cette terre canadienne où il n’avait fait lui-même que passer, mais où elle avait provigné depuis deux cents ans, où elle avait poussé ses plus fortes racines dans tant de berceaux et fleurissait encore sur tant de tombes. Et de mieux en mieux, il comprenait, comme il l’avait dit, que lui et les siens ne seraient de longtemps encore que des dépaysés dans leur patrie adoptive.

Sa nostalgie à lui tient du patriotisme de raison.

Jean Pèlerin, au contraire, n’a vécu au Canada qu’une enfance malheureuse et une jeunesse humiliée. Quand il a quitté sa paroisse natale, il aurait pu se dire qu’il secouait sans regret de son pied la poussière de ce sol qui lui avait été si pénible. Plongé dans le grand creuset de la vie industrielle,