Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
CHAP. VII. — L’ORATEUR

un temps très long et un travail énorme, prétendent insolemment s’arroger le titre de grand savant. Continuez donc à polir votre ouvrage autant que possible et efforcez-vous d’acquérir la réputation que vous vaudra sans nul doute la publication de vos Commentaires….

« Quant à l’Aquitaine… » je vois que vous avez excité la colère de ceux que vous m’avez dépeints si admirablement et si ingénieusement dans votre dernière lettre ; ce sont des hommes qui, devant vous, admirent vos poèmes, louent vos lettres et approuvent vos discours, mais qui, une fois que vous n’êtes plus là, parlent de vous en termes bien différents. Je suis disposé à vous en nommer un ou deux (mais c’est inutile, vous voyez bien de qui je veux parler) qui montrent tant d’affection pour votre adversaire, qui le portent tellement aux nues, qu’ils excitent mon indignation ; et même devant moi ces gens parlent de vous d’une façon si désobligeante que je les accable de mes reproches et les éloigne de ma présence… Mais je suis d’avis que vous méprisiez ces individus sans valeur et que vous ne teniez pas plus compte de leur vil langage que Démocrite, dit-on, ne l’a fait en pareille circonstance. Il comparait les médisances de ses détracteurs aux exhalaisons de l’estomac, qui font un bruit aussi inconvenant qu’elles viennent du haut ou du bas du corps… Mais afin de ne pas me mettre ces gens à dos, je vous conjure de veiller, comme vous me l’avez promis, à ce que nos lettres amicales ne tombent pas en des mains ennemies. C’est à vous de décider si vous devez brûler mes lettres. Mais je préférerais vous les voir garder, afin qu’elles pussent parfois vous rappeler un ami. Soyez bien persuadé que l’affection que j’ai pour vous ne s’éteindra qu’à ma mort ; et j’ose croire que vous me payerez de retour. Aussi, me fondant sur notre sympathie mutuelle peu commune, je n’hésite pas nous demander une preuve de l’amitié que vous avez pour moi.

« J’apprends, mon cher Dolet, par des hommes de grand