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ÉTIENNE DOLET

plus que tout autre livre à faire avancer la connaissance de la langue sacrée. Au moment où l’étude de l’hébreu était interdite à Paris par la Sorbonne comme impie, dangereuse et hérétique, à Lyon, Sanctes Pagnini pouvait composer, et Gryphius imprimer, sans danger, un ouvrage qui, à juste titre, était placé au même rang que le Thesaurus latin de Robert Estienne, et le Thesaurus grec, plus précieux encore, dû à son illustre fils.

Les imprimeurs et les correcteurs n’étaient pas indignes des auteurs. Les préfaces et dédicaces écrites par Sébastien Gryphius montreraient assez qu’il était excellent latiniste, même si les louanges que lui décernèrent J. C. Scaliger, Gesner, Sadolet et tant d’autres ne nous renseignaient pas à cet égard. Rabelais, Susanneau et Dolet étaient attachés à Gryphius comme lecteurs ou comme correcteurs. Tournes l’aîné, qui fut pendant quelques années son ouvrier, rivalisait avec Gryphius en érudition et le surpassait comme typographe ; et à Treschel revient l’honneur d’avoir eu les épreuves de son édition du Canon d’Avicenne (imprimée en 1498) corrigées par le premier helléniste d’Europe, par l’ambassadeur de France à Venise, dans les veines duquel coulait le sang de trois empereurs, je veux dire le célèbre Jean Lascaris.

Mais il nous reste encore à parler d’une des gloires de Lyon au seizième siècle. Dans aucune ville d’Europe il ne semble s’être rencontré autant de femmes cultivées. Leur réputation, évidemment, doit pâlir devant celle de la Marguerite des Marguerites, mais les femmes qui entouraient la sœur du roi ne semblent pas avoir rivalisé avec la culture littéraire de leur maîtresse, et c’est en vain qu’à Paris ou ailleurs nous cherchons une réunion de femmes instruites à comparer avec celle qu’on trouvait à Lyon. Le nom de Louise Labé, la belle cordière, est peut-être le seul qui soit très connu ; et, entre toutes les Lyonnaises, seule elle a eu l’honneur d’être rangée au nombre des classiques français. Elle mérite à bon droit la prééminence qu’on lui accorde. Belle, accomplie et riche, elle réunissait autour d’elle tout ce qu’il y avait de plus noble dans la so-