Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
321
CHAP. XV. — L’IMPRIMEUR

qui avait parlé d’eux avec tant de mépris, et qui, sans avoir fait d’apprentissage spécial, venait de s’établir muni d’une permission du roi lui accordant des privilèges extraordinaires et exceptionnels. Mais vers ce temps de graves dissensions s’élevèrent entre les maîtres imprimeurs et les ouvriers ; Dolet, prenant toujours parti pour les faibles et les opprimés, et ne songeant jamais à être prudent ou circonspect, défendit ardemment la cause des ouvriers.

A quoi attribuer ces dissensions ? Tout ce que nous savons, c’est que les ouvriers s’étaient ligués pour forcer les patrons à augmenter leur salaire, à les nourrir mieux qu’ils ne l’avaient été jusque-là, et aussi à diminuer le nombre des apprentis[1]: cause ordinaire des grèves.

Sur le premier point, cela n’est guère douteux, les plaintes des ouvriers étaient fondées. Pendant le demi-siècle qui avait précédé, le prix des marchandises avait augmenté beaucoup, — c’est-à-dire que la valeur de l’argent avait baissé, en partie, sinon complètement, à cause de la quantité d’argent qui d’Amérique avait été introduite en Europe. A la même époque les richesses de la France s’étaient accrues et dans toutes les classes de la société la manière de vivre devenait moins simple et « plus opulente » (pour employer l’expression de l’édit de François Ier) qu’elle ne l’avait été jusque-là. Voilà pourquoi les ouvriers, fort naturellement, se plaignirent de l’insuffisance de leurs gages et de leur «nourriture». Et ce n’était pas seulement parmi les imprimeurs, ou même seulement en France, qu’il en était ainsi. Partout et dans tous les

  1. «Depuis trois ans en çà, aucuns serviteurs, compagnons imprimeurs mal vivans, ont suborné et mutiné la plupart des autres compagnons et se sont bandez ensemble pour contraindre les maistres imprimeurs de leur fournir de gros gages, et nourriture plus opulente, que par la coustume ancienne ils n'ont jamais eu ; davantage ils ne veulent point souffrir aucun apprentis besongner audit art afin qu’eux se trouvans en petit nombre aux ouvrages pressez et hastez, ils soient cherchez et requiz desdits maistres». Édit de François Ier (28 décembre 154). Du règlement de l’Imprimerie pour la ville de Lyon. Voyez Crapelet : Études sur la Typographie. p. 53.