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ÉTIENNE DOLET

rétractation devant ses auditeurs de l’école de droit, il ne fallait pas moins qu’une pénitence et une abjuration publique aux persécuteurs de Jean de Boyssone.

Et ce n’était pas encore assez pour eux : un grand nombre des catholiques les plus zélés se plaignirent de l’excessive indulgence dont on faisait preuve à son égard[1]. On résolut d’entourer son abjuration de toute la pompe imaginable. On éleva un échafaud devant l’église de Saint-Étienne. Tous les fonctionnaires ecclésiastiques et civils étaient présents. Les consuls se trouvaient là dans le costume de leur dignité. Agenouillé sur l’échafaud, le professeur le plus distingué de l’université lut à haute voix l’abjuration des dix erreurs dont on l’avait accusé et la signa ; puis un long et ennuyeux sermon où ses crimes étaient passés en revue fut adressé par l’inquisiteur au coupable et à la multitude assemblée ; après ce sermon on le mena à la cathédrale, où il reçut l’absolution officielle du grand-vicaire[2].

Bien que les dévots fussent mécontents de l’excessive indulgence dont Boyssone avait été l’objet, la voix de la foule était pour lui. La Faille, qui donne un long récit de cet événement, nous dit que plusieurs des témoins de cette abjuration publique ne purent contenir leur émotion. On versa bien des larmes, lorsque le professeur le plus renommé et le plus savant de l’université, l’homme dont la bonté et la générosité envers les pauvres et envers tous ceux qui se trouvaient dans le besoin étaient connues de ses concitoyens, eut à subir devant tout le monde une humiliation aussi cruelle[3].

  1. D’Aldeguier : Hist. de Toulouse, 356.
  2. La Faille : Hist. de Toulouse ; Biographie Toulousaine, art. Boyssone.
  3. M. Merle d’Aubigné, qui donne un récit complet du martyre de Jean de Caturce, ne dit pas un mot de Jean de Boyssone, quoiqu’il semble faire allusion à ce dernier dans le passage suivant : « Quelques prédicateurs pourtant qui avaient annoncé la nouvelle doctrine, firent alors de déplorables chutes, et arrêtèrent dans le Midi le cours de la Parole. » (La Réforme au temps de Calvin, vol. II, liv. III, c. 19.) Les sympathies de M. Merle d’Aubigné n’étaient pas assez larges pour aller jusqu’à ceux qui n’étaient pas préparés à souffrir le martyre pour la foi réformée.