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ÉTIENNE DOLET

Carême n’était ni une institution du Christ, ni une institution des apôtres, que la transsubstantiation n’avait été déclarée article de foi que par le Concile de Latran, et on lui reprochait encore d’avoir mangé de la viande un jour d’abstinence. L’inquisiteur général reçut un ordre spécial du roi lui enjoignant de faire une enquête sur les cas d’hérésie qui se produisaient à Agen ; mais, heureusement pour Scaliger, son dossier fut retiré des mains de l’inquisiteur et ce furent trois conseillers du parlement de Bordeaux que le roi nomma pour instruire son affaire. Le roi aimait encore la littérature et les savants ; et le choix des juges, qui étaient Briand de Vallée, l’ami de Rabelais, Geoffroy de Chassaigne, le plus populaire des conseillers et poète latin distingué, et Arnoul Le Ferron, ami intime et correspondant de Scaliger, n’indiquait pas qu’on désirât user de grande rigueur contre l’accusé. Avec de tels juges le résultat ne pouvait guère être douteux et Scaliger ne tarda pas à être mis en liberté[1]. Mais quelques années plus tard, dans un procès dont Scaliger était l’une des parties, Le Ferron, malgré les instances de son ami, refusa de se laisser influencer et de placer ses affections au-dessus de la justice ; la décision ne fut pas favorable à Scaliger, ce qui attira au juge deux ou trois lettres pleines de violences et de reproches. Mais ce ne fut pas seulement comme juriste et comme juge que Le Ferron s’assura une grande réputation. Dans le domaine des lettres il se distingua comme historien et comme savant. Sa continuation de l’histoire de Paul-Émile, imprimée pour la première fois par Vascovan en 1550, lui valut à l’époque un succès signalé[2]. Mais

  1. Th. de Bèze : Hist. Ecclésiastique, liv. I, et Gaullieur : Hist. du Collège de Guyenne, 157.
  2. Moréri nous dit (et cela a souvent été répété) que la réputation de ce livre et de ses autres ouvrages lui valut le surnom d’Atticus. Mais cette assertion est peu correcte : le surnom d’Atticus lui fut donné par J. C. Scaliger, comme nous l’avons vu, dès 1535 ; il n’avait encore rien publié alors et n’avait que vingt ans. Voyez les lettres de Scaliger données par Schelhorn dans le huitième volume de ses Amœnitates Literariæ, p. 554-6i8. Les vers suivants qui sont de