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CHAP. VIII. — GUILLAUME BUDÉ ET JACQUES BORDING

«Quoique nous puissions facilement déjouer l’imposture de cet homme, il n’en est pas moins vrai que s’il ne réussit pas à tromper le roi, il aura recours à tous les moyens possibles pour extorquer l’argent des autres gens. Il a la prétention, je le sais, de fournir à tout le monde, sans travail personnel, les dons précieux à l’orateur, lesquels, suivant des juges sévères, on n’a jamais possédés de mémoire d’homme à un degré suffisant. Il peut construire son amphithéâtre pour indiquer les divisions des cases de la mémoire, il peut s’aider des Commentaires sur la langue de Cicéron de Marîus Nizolius de Venise, mais si vous me demandez ce que je pense de tout cela, pour toute réponse je vous redirai le vers d’Horace. Un rhéteur vulgaire ne me fera pas croire que, dans l’espace de trois mois, nu peut instruire un ignorant et lui donner ces connaissais dont presque aucun homme ne peut arriver à posséder une partie par le travail et l’assiduité de toute une existence de labeur. Cela nous touche peu, du reste ; il n’a qu’à tirer profit de sa bêtise et promettre hardiment de donner aux autres la science dont il ne connaît pas les difficultés et qu’il n’a pas approfondie et étudiée suffisamment. Toutefois, il y a quelque chose qui m’irrite dans tout cela : c’est de voir nos compatriotes si avides et si disposés à accepter ce qui est barbare et étranger, qu’ils négligent ce qui, chez eux, est digne de tous les éloges, et, dans une folie ridicule, admirent et achètent à grand prix tout ce qui vient du dehors. Mais que vous dirai-je de l’individu en question ? Personne ne me persuadera qu’il peut ajouter quoi que ce soit à la très excellente science de Budé, qu’on ne saurait assez louer, à l’éloquence rare et étonnante et au langage facile et abondant de Bérauld, à la pureté et à l’élégance de style de Danès et de Bunel, à l’érudition profonde et remarquable de Toussain et de Guillaume du Maine, à la grâce poétique de Salmon Macrin ou à l’agréable vivacité de Nicolas Bourbon. Cependant nous ne voyons ni Budé ni aucun des autres Français accomplis admis au nombre des classiques jouir des dons de la fortune, et nous