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CHAP. IX. — LYON

ciété de Lyon au milieu du seizième siècle ; elle devança en quelque sorte le dix-neuvième siècle en exprimant les regrets de voir que les lois sévères des hommes empêchaient les personnes de son sexe de se vouer à l’étude ; elle exhortait les femmes à élever autant que possible leur esprit au-dessus leurs fuseaux et de leurs quenouilles, et à se montrer les dignes compagnes et les rivales des hommes en recherchant les choses de l’esprit, non pas évidemment en vue de la suprématie, mais pour montrer qu’elles étaient capables de l'exercer. Louise Labé est peut-être la seule des Lyonnaises dont on lise encore les poésies ; toutefois les vers de « gente et vertueuse dame Pernette du Guillet de Lyon » n’ont pas eu moins de cinq éditions, dont deux ont été publiées dans notre siècle ; et s’ils sont inférieurs pour la facture et l’énergie, à ceux de sa jeune amie, ils n’en ont pas moins une grâce simple qui a encore quelque attrait. En même temps que ces dames, vivaient les deux sœurs Claudine et Sibylle Scève (proches parentes de Maurice), qui écrivaient aussi agréablement en vers qu’en prose, et auxquelles Marot adressa l’une de ses plus jolies odes ; Jeanne Gaillard, dont les vers en réponse à un rondeau du même poète furent jugés dignes figurer auprès de cette pièce dans les éditions de Marot qui suivirent ; et enfin Clémence de Bourges, que Duverdier appelle la perle des Lyonnaises de son temps, l’amie ou la rivale - l’une et l’autre peut-être - de Louise Labé, Clémence dont la musique valait la poésie.

C’était dans les salons de la dame du Perron, femme d’Antoine de Gondi, que tous les gens distingués de la société lyonnaise avaient coutume de se réunir. On y trouvait hommes de lettres, des musiciens et des artistes, ainsi que des personnages du plus haut rang, «des princes, des prélats des rois», suivant le récit enthousiaste d’Eustorg de Beaulieu, poète et musicien ; la légère exagération à laquelle ce dernier se laisse aller en parlant des charmes de la société qui entourait sa protectrice, doit lui être facilement pardonnée.